11.
Je réservai deux places pour Jennie et moi. Après tout ce que nous avions vécu, ce petit voyage n’était pas volé. Arrivée à Los Angeles, je me retrouvai au volant d’une Saab Turbo de location, direction le Beverly Hills Hotel. J’avais l’impression d’être à des millions de kilomètres de West Point.
— Il est rose ! s’exclama Jennie quand on s’engagea dans l’allée circulaire pour s’arrêter devant l’entrée. C’est ma couleur préférée. Tout est en rose !
— Je l’ai fait repeindre rien que pour toi. J’ai téléphoné il y a quelques jours et je leur ai demandé de voir la vie en rose.
— Et revoilà les moulins à paroles !
L’auvent à voitures était impressionnant. Un bagagiste blond et bronzé comme un surfeur prit nos vieux sacs comme si c’étaient des Vuitton et nous conduisit au bungalow 6, un charmant petit pavillon situé derrière le bâtiment principal. Nous disposions de notre pied-à-terre privé. Barry s’était chargé de tout, « afin que Jennie et vous soyez dans le ton », avait-il précisé. Dans ce domaine, lui seul était compétent…
— Vous voici chez vous, madame. Ainsi que vous, petite demoiselle.
Tout sourire, le bagagiste nous ouvrit la porte, très cérémonieux. Et là, instinctivement, je reculai d’un pas. Des douzaines de roses American Beauty nous attendaient. Il y en avait littéralement partout.
— Wow ! sifflai-je. Il y a toujours autant de fleurs, chez vous ?
Je plaisantais, mais mon humour n’effleura même pas le brushing du surfeur. J’ai pensé aux paroles d’Hotel California : « Il y a de la lumière, mais il n’y a personne. »
— Oh, non, madame, c’est un cadeau. Tenez, il y a une carte.
Bienvenue au pays de la frime.
Je crois que vous allez faire un malheur.
Mais ne vous laissez pas abuser par tout ce qui brille…
Ni par quelques brassées de roses.
Grosses bises à vous et à Jennie
B.
« Moi aussi, je vous embrasse, Barry. Mais vous ne m’enverrez plus chercher du café aussi longtemps que je vivrai. »